Le grand magasin C&A de la chaussée d’Ixelles (n°69) est un immeuble fonctionnaliste remarquable dessiné en 1960 par les architectes Jean et André Polak. Il a malheureusement aujourd’hui triste mine. Sa façade est abîmée et le niveau supérieur semble abandonné. C’est pourquoi, le propriétaire entend rénover et réorganiser son bien. Le Collège d’Ixelles vient de délivrer le permis ce début janvier 2023.
La Commune d’Ixelles et la Direction Patrimoine Culturel (Monuments et Sites) ont demandé que le projet soit l’occasion de restaurer la façade historique. A l’heure où le débat fait rage sur la question de la préservation des immeubles commerciaux d’après-guerre 45 (dont le C&A de Namur qui date de la même époque), la démarche n’est pas anodine. Ici, l’option a clairement été de préserver et restaurer l’architecture fonctionnaliste.

A l’origine : le grand magasin « A la Bourse«
Il s’agit d’un des tous premiers grands magasins modernes de Bruxelles, construit très rapidement (en 6 mois) grâce à un système simple de piliers et poutres en acier à assembler. Il s’étendait à l’origine sur 3 niveaux : le sous-sol, le rez et le premier (aujourd’hui, seul le rez est utilisé par le C&A).
Le maître d’ouvrage d’origine n’était pas C&A mais bien Les Grands Magasins de la Bourse. Créée en 1872 et disposant de plusieurs grands magasins en Belgique (dont un sur le boulevard Anspach, d’où son nom), cette société se lia aux Galeries Lafayette à partir de 1960. Ce qui ne l’empêcha pas malheureusement de faire faillite en 1972.
La façade de l’immeuble de la chaussée d’Ixelles est très intéressante. Elle est recouverte de granit gris ; elle est percée de deux baies horizontales de hauteurs identiques qui s’étendent sur toute la largeur de l’immeuble (la vitrine au rez et le bandeau de fenêtres au 1er étage) ; un système de hampes sculpturales portaient les enseignes et des drapeaux et complètait harmonieusement la composition moderniste.
Particularité de l’immeuble : le faible nombre de colonnes pour soutenir les étages. L’objectif étaient de libérer un maximum d’espace de vente et de visibilité sur l’ensemble des rayons et créer le moins de contraintes possibles dans la circulation des clients. C’était nouveau car, jadis, les grands magasins étaient chargés d’éléments structurels imposants et de décors chargés. C’est aussi une prouesse d’ingénierie (ingénieurs Toint et Dejong).

Un dilemme historique pour la restauration : 1960 ou 1978 ?
Le bâtiment fut en partie transformé en 1978 avec une certaine originalité et élégance. Notamment, un grand élément courbe fut apposé sur la façade historique dont l’esthétique est intéressante également. Dès lors que fallait-il faire ? Restaurer la façade de 1960 ou celle de 1978 ?
Dans la mesure où les éléments de 1978 sont très abimés et qu’ils obstruent en partie les fenêtres en bandeau du 1er étage, il fut décidé en concertation avec le propriétaire et les Monuments et Sites de retrouver la façade originelle. Choisir, c’est renoncer…

Le projet de 2023 par les Ateliers Van den Broeck
La rénovation retrouvera la plupart des caractéristiques d’origine, à quelques nuances près…
La vitrine sera légèrement agrandie en hauteur (C&A nous disant qu’ils devaient parfois enlever la tête des manequins tellement la hauteur actuelle est faible !).
La hampe originelle a disparu. Les architectes vont tenter de la reconstituer à partir des plans d’archives. S’ils n’y arrivent pas, ils feront appel à un artiste contemporain pour créer un structure-sculpture verticale dans l’esprit du projet d’origine.
Trois enseignes occuperont l’espace, il faudra donc prévoir trois entrées séparées.
Le projet sera aussi intéressant d’un point de vue environnemental. La très vaste toiture plate de 1400 m² sera transformée en toiture verte, ce qui participera à améliorer les caractéristiques environnementales de l’îlot (diminuer la chaleur en été, retenir l’eau de pluie et lutter contre les inondations, favoriser la biodiversité dans un environnement très urbain et minéral).
L’architecte Pierre Van den Broeck est un spécialiste de l’architecture commerciale et de la rénovation du patrimoine. On lui doit notamment la restauration de la magnifique Poissonnerie de la rue du Trône.

Photo d’origine (c) La Maison, n°5, 1960 via Heritage.brussels
Photo 1978 (c) Heritage.brussels
Plan d’origine (c) Archives Commune d’Ixelles
Plan du permis 2022 (c) Pierre Van den Broeck
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